Hommage à Jean LANOUE

Quelques lignes à la mémoire de mon père


Il était né, le 6 Janvier 1913 et grandit au cours de la première guerre mondiale ; il participa à la deuxième, restant prisonnier durant cinq années –les seules vacances de sa vie-

Toutes les exploitations viticoles de notre région conservent le caractère familial ; l’action menée par chacun est déterminante, mon père restera un de ces maillons forts de la réussite de notre entreprise.

Sa génération aura connu une évolution  impressionnante dans tous les domaines ; lors de sa naissance, le travail était manuel, par la suite, le bétail  -bœufs et chevaux- ont apporté une aide non négligeable en tractant divers attelages. Après la guerre de 39-45, les premiers tracteurs sont apparus, à chenilles puis à roues en fer avec des motorisations à pétrole, ensuite à essence. Vers les années 50 les premiers tracteurs à roues caoutchoutées arrivent puis ce sont les tracteurs diésel équipés de relevage hydraulique ; cette évolution continue, les progrès sont spectaculaires ; de nos jours tous nos tracteurs sont équipés de 4 roues motrices, de relevage électronique, de cabines insonorisées et climatisées. Leur centrales hydrauliques permettant d’animer de nombreux outils modernes perfectionnés (écimeuses, épampreuses, effeuilleuses)

Tout le matériel de chai à lui aussi connu cette ascension vertigineuse ; comment ne pas parler de la machine à vendanger –qualifié de rêve de fous dans les années 70- apportant de nos jours sa qualité de ramassage, sa rapidité d’intervention nous offrant cette souplesse dans notre choix de la date de récolte.

Il a connu et vécu ce bond en avant, il a toujours su s’adapter et se positionner, ayant une capacité d’analyse extraordinaire, un sens de l’observation particulière mais aussi de l’anticipation, agissant toujours avec la prudence réfléchie des paysans.

Il fut un des premiers à posséder les tous nouveaux matériels qui venaient de sortir, sachant qu’ils apporteraient un plus sur le résultat final, il fut un des premiers à comprendre que le progrès dans l’œnologie permettrait de produire des vins meilleurs ; combien il fut heureux de me voir sortir diplômé d’une école spécialisée en viti-oeno

Il surprenait par ses connaissances, possédant une culture rare pour un paysan de cette génération ; il aimait le contact humain, combien de jeunes venaient le voir pour bénéficier de ses conseils, situation qui peut surprendre car les jeunes du moment ont plutôt tendance à fuir les  « anciens »

Durant sa vie, il s’est occupé de beaucoup de choses, il fut conseiller municipal, dégustateur à notre  centre d’agrément, responsable des anciens combattants. Ayant vécu toute sa vie au même endroit, il était une véritable banque de données, connaissant toutes les limites parcellaires, toutes les compositions des familles de chez nous ; malgré son âge, il gardait une mémoire exceptionnelle et une lucidité hors du commun ; combien de personnes sont venues le voir ou lui ont téléphoné afin d’avoir un renseignement précis.

Mon père aimait les gens, ses qualités humaines étaient reconnues ; jamais je ne l’ai entendu faire une réflexion désobligeante à quiconque.

Travailleur infatigable, il savait tout faire de ses mains ; pour lui, rien n’était un problème, il avait toujours la solution.

Heureux de me voir commercialiser nos vins vers la clientèle privée, il avait plaisir à recevoir nos amis clients, parler  de son métier avec eux et leur faire partager sa passion. Portant un intérêt particulier à l’évolution technique, il admirait mes amis de l’Armée de l’Air qu’il questionnait sur leur métier ; quel plaisir était le sien lorsqu’il venaient lui faire coucou avec le Mirage.

A 90 ans, il ne lui manquait aucun trimestre, il en avait en trop, il ne fut jamais à la retraite, continuant à travailler, heureux de pouvoir nous apporter son aide toujours bienvenue, il disait souvent que même à son âge, il apprenait encore.

Il nous a quittés le 19 septembre 2002 avec la Croix du Combattant, sa seule récompense militaire lui dédiant au passage tout notre palmarès professionnel, la trentaine de diplômes obtenus par notre gamme de vins ; l’action qu’il a menée étant liée à cette réussite.